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Ball trap |
Un autre ball trap, comme ils disent
Parce que mon siècle est le dernier des derniers,
Lente inhumanité
Parce que des chiens loups, ensauvagés par nous,
Hurlent plus fort que nous
Parce que Montmartre et Montparnasse ont viré
Las, la kermesse est terminée
Parce que ton beau cul, ivresse des beaux jours nus,
N'est plus qu'une chimère vaincue
Je m'en vais demain, loin de l'occident
Mauvaise donne ou mauvaise passe
Je prends la main, je trace
La liberté des lendemains
Je m'arrache de la nasse
Parce que l'enfant blême, seul dans la grande plaine
Où coule encore ma peine
Parce que les mères folles, qui reposent en corolle
Tout au fond d'un entresol
Parce que l'homme sans visage, vérolé de carnage
Plie sous mes outrages
Parce qu'enfin la belle môme se dérobe à l'aumône
D'un baiser qui m'empoisonne.
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Mille regards |
Ce qu'il nous reste d'espoir
Ce qu'il nous reste, colere noire
Damnes de la terre, les derniers grands airs
Avant la pluie de fer
Ce qu'il me coute de t'ecrire
Ce qu'il me coute, au fond, de partir
Tes deux petites mains dans mes poings serres,
Comme si j'avais reve
Mon bel enfant bleme
Ma belle victoire
Je ne t 'embrasserai plus, non
Tu devras livrer bataille tout seul
Affronter les vieilles peurs
Et leur cortege de pleurs
Nous sommes les fils du hasard, mille regards
Des sentinelles perdues sous mille regards
La voix des morts nous consolera plus tard,
La voix des morts et pour sur
Leurs mille et un regards
Comme l'ame de l'homme s'effiloche
Comme l'ame du monde devient moche
Sous la lune amere les grands cimetieres
Verront le millenaire
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Foutue belle jeunesse (la carapace) |
Foutue belle jeunesse, a l'exercice comme elle respire
J'n'ai que la peau sur les os et pas plus d'air qu'un fil de fer
Foutue belle jeunesse, qui caracole vers l'allegresse
J'n'ai que mon sac sur le dos et mes deux pieds dans le bourbier
Je traine, vilain petit cancer
Meme les vautours se detournent
Meme les bonnes ames se lassent
Qu'est-ce qu'il y a derriere, je ne savais pas, non !
Qu'est-ce qu'il faut pour plaire, je ne savais pas, non !
Qu'est-ce qu'elles valent mes chimeres, qu'est-ce qu'il y a derriere ?
Donne-moi la carapace...
Foutue belle jeunesse, qui collectionne les manifestes
Moi je n'sais plus qui je suis, moi je n'sais pas d'ou je viens
Foutue belle jeunesse, qui s'entiche d'une Adonis
Je reve tout seul dans ma piole, d'une fleur du mal bacchanale.
Donne-moi la carapace qu'ils veulent, Donne-moi la carapace qu'ils cachent !
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Brule |
Vent d'octobre au bord de la zone,
Ville-cyclope bornee de pylones
Brulent des cartes, brulent des cervelles
Fument les braseros, fument les hommes qui laissent
Filer les heures de peine pour une bougresse
Brulent des fardeaux, brulent les caresses
Quelqu'un m'a demande si les ames existent
La mienne est devoree, elle brule, elle resiste.
V'la de ca deux ou trois semaines,
Comme j'allais seul comme un croque-mitaine
Brulent mes jours, brulent mes nuits
L'anglais sort en torche, cogne au visage
Je pisse le sang, elle aime monter la rage
Je le tue, je le tue, je le tue
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Madame |
Elles revent de la belle epoque,
Sous l'oeil terne des ors affadis
Ils veulent Byzance et New-York
La vieille Europe dans un rocking-chair
L'argent des fournisseurs de mort
Le Capital qui rogne et qui crane
Mais on donne dans le style Empire,
C'est bien plus classe que la lutte des classes
Quelle belle histoire,
Cousue de fils barbeles
La chair malmenee
Madame se laisse aller,
Monsieur ne voit plus beaucoup Madame
Madame connait d'autres messieurs
La messe est dite sous d'autres cieux
Il traine dans les corridors
L'ombre incendiee du capitaine qui dort,
La-bas sous le Chemin des Dames
Et les shrapnels qui dechiraient l'ame
Monsieur n'reconnait plus sa face,
Piquee d'acier, rabotee de traces
Il gene lorsqu'il apparait
Il doit comprendre que c'est indecent
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Cabaret Voltaire |
Cabaret Voltaire
Nous avons l'âme qui dégouline par les latrines
Le cul de basse-fosse, c'est notre mare nostrum
Evidemment cela chatouille quelques narines
On aimerait voir Colombine déguisée en homme
Il nous faut du fort, de l'Alcazar, du sans remord
Nous avons quelques maréchaux de naphtaline,
Gâtés d'honneurs douteux, vieux gâteux parleurs
Mais les vrais as, les vrais cadors,
On les trouve sous les ors du palais Brogniard
Depuis que Dieu est mort, c'est fou c'que ça turbine encore !
Cabaret Voltaire, un œil ouvert sur le siècle de fer
Cabaret Voltaire, une dernière vanne et bye, bye les monte-en-l'air
Cabaret Voltaire un dernier verre avant l'ère des commissaires.
Et puis c'est comme si la terre s'était mise à trembler
La vieille canaille Dada s'était réveillé ivre
Elle bousculait les barbouilleurs, les scribouillards
Amen au bordel monstre et mort à Mozart
Les foules qui dansent, automatiques, sur les boulevards
Les corbillards pressés, les égouts qui ronronnent
Et l'écriture au narcotique, préparez-vous au choc
On entre dans le cerveau de l'homme moderne
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Mon nom |
Elle a vu la peur de pres
La misere, on s'y fait
Elle a vu le corps des hommes
Pour vivre, faut bien qu'on donne
Que diras-tu, Mary Jane,
Lorsque la fin viendra
Lorsque tout s'en ira ?
Les masques craquent tous
Un beau jour ne reste que la chair
Mon nom, je m'en souviens pas
Je suis deja loin de ca
C'est la meme vacance du sens
La meme histoire d'absence
C'est le souffle vole
Deux fois l'air de rever :
Quand elle voit le frere
Sur les photos austeres
Quand elle sent la main posee
De l'amant meurtrier
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Decadence |
Une balle qui roule et qui cogne
Je danse dans les clubs ou la vie deborde
Donne-moi le temps d'user mes nerfs a la corde
Cogne, cogne, cogne contre la besogne
Vous nous regardez vivre
Vous demandez qu'on fasse reverence
Aux idees rances
Decadence I
Je suis ne dans un cimetiere
J'n'ai pas connu l'appel de vendemiaire
Je n'aime pas la masse des foules militaires
Comment faire taire les trompettes de guerre ?
Belle gueule, je traine ma degaine
Dans les caf'conc ' de Montparnasse
Gabie sourit, Esther se leve et me sert
Hey ! Hey ! Hey ! Django, Django jazz !
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La fille de Manchester |
Ville de desert ' me soufflait le narguile
Ville de desert, a meme la chair le baiser...
Voile, libere les chimeres
Voile, les lumees bleues dans la criniere
De la fille altiere de Manchester
Fils de folle ou fille de vice, tes caresses
Elle sortirait dans la lumiere sans une priere
Si la mort s'invite au bal
Une fleur blanche tachee de sang
Ville de desert, dans l'ombre chaude la fille serre
Ville de desert, les cordes qui me font taire
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Vaille que vaille |
Gare au ciel d'hiver
Qui devore l'espoir
Lentement les nerfs
Qui virent au noir
Gare aux heures perdues
A tourner les pages du livre
La peine, la peine
De vivre a corps perdu
Vaille que vaille, vaille que vaille
Volte-face, plus rien ne passe
Vaille que vaille, vaille que vaille
Virer de bord et cap au nord
Elle voyage entre un mort et le fantome d'un enfant
Aux confins de notre monde, aux marches de l'empire
Derriere elle,
Les traces deja s'effacent
On ne connait d'elle
Que ses pauvres grimaces
Quelque part ce soir
Une autre cour emplie d'autres solitudes
Il se fait tard
L'enfant rejoint l'etude
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Carnaval cannibale |
C'est l'honneur qu'on jette aux fleurs
C'est l'amour loin des beaux jours
C'est le crime contre la rime
De la contrefacon plein l'armoire
Je m'egare sur les boulevards
Mes annees folles de bazar
Je m'egare sur les boulevards
Des idees au moins jusqu'au falzar
C'est le crime et la foule a Paris
C'est la terre et le ciel jusqu'au Laos
C'est la tete a l'envers a Ivry
Y'a pas d'hiver chez les khmers
Carnaval cannibale j'te dis !
Je lutine la Cochinchine
Je rationne la mescaline
Sur un vieux rafiot machine
Je vendrai la peau de la gamine
Que voulez-vous que j'y fasse ?
C'est comme ca que ma vie passe
Bienvenue Saigon Palace
Pour un aller simple au bout du monde
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